Considérations sur la campagne de 1815


Le 18 juin 1815


Comme mentionné, au matin du 18 juin, l'Empereur se rend compte que le duc n'a pas plié bagages et que ses troupes sont bien installées sur une position qu'il juge mauvaise.

Il est bien difficile de savoir si l'opinion selon laquelle « Wellington est un mauvais général » était une opinion sincère, ou une opinion pour la galerie. Ce qui est sûr, c'est que la question essentielle, Napoléon ne se l'est pas posée (ou n'y a pas trouvé de réponse) : pourquoi Wellington a-t-il choisi cette position ?

A Austerlitz, les austro-russes ont pensé que l'abandon du plateau de Pratzen par Napoléon était le résultat de la peur. Ils se sont lourdement trompés.

A Waterloo, Napoléon a visiblement été surpris par le choix de son adversaire. L'a-t-il « simplement » mis sur le compte d'un « mauvais général » ? Certes, il ne l'avait jamais combattu. Mais plusieurs de ses généraux l'avaient fait. La tactique de déploiement consistant à cacher ses troupes au revers d'une crête aurait dû lui être connue.

D'autre part, Wellington a reculé habillement des Quatre-bras à Mont Saint-Jean. S'il interrompt sa retraite, il doit bien y avoir un plan ?

Au plus tard à 10h00, à la réception du second message de Grouchy (qui confirme les soupçons de regroupement des prussiens à Wavre) Napoléon sait que toutes les troupes prussiennes ne se sont pas retirées. Il sait aussi – ce qu'ignore Grouchy – où se trouve Wellington.

Si quelqu'un, en regardant la carte, peut imaginer que des prussiens marchent de Wavre à Mont Saint-Jean, c'est lui, pas Grouchy.

De son côté le maréchal, après avoir envoyé son second message, et sans réponse au premier, doit décider de son plan pour la journée. Que sait-il ?

Napoléon a marché sur les Quatre-bras avec le gros de son armée. Comme aucun bruit de bataille ne lui est parvenu de ce côté, et qu'aucun message ne lui a été transmis, il ne peut qu'en déduire une chose : devant l'arrivée de l'Empereur, le duc a abandonné ses positions et s'est replié. Dans quelle direction ? On ignore ce que Grouchy pensait. Dans son message, il parle de Wellington qu'il suppose en replis « devant l'Empereur »,sans indiquer de direction.

Puisque Napoléon n'a pas répondu à ses messages, et qu'il ignore donc ce que l'Empereur déduit de ces informations, le maréchal en est réduit à tirer ses propres conclusions.

Au travers des messages qui nous sont parvenus (encore une fois par l'intermédiaire de l'intéressé lui-même), il me semble qu'elles sont les suivantes :

• Wellington se replie devant Napoléon, probablement avec Bruxelles pour destination.

• Les prussiens n'ont pas abandonné l'idée de réunir les deux armées. Dans ce but, ils se sont regroupés derrière Wavre. Une partie des troupes se replie sur Aix mais une autre va tenter de rejoindre Wellington à Bruxelles en utilisant la chaussée de Namur à Bruxelles.

Grouchy a rempli sa mission de renseignement. Pour remplir les deux autres volets de sa mission, il doit courir après les prussiens. En les engageant à Wavre, il les empêchera de remonter sur Bruxelles et de rejoindre Wellington.

Par ailleurs, les prussiens étant à Wavre et Wellington – aux dernières nouvelles – du côté des Quatre-bras, c'est en restant sur la rive droite de la Dyle qu'il peut en même temps éviter que des unités prussiennes puissent aider Wellington en tombant sur les arrières français.

Connaissant ce qui s'est historiquement passé, il nous semble invraisemblable que Grouchy n'ait pas vu le chemin entre Wavre et Mont Saint-Jean. Mais Grouchy ignore que Wellington est à Mont Saint-Jean. Le défilé de Lasne est donc juste un mauvais chemin qui ne mène nulle part d'intéressant.

Napoléon, qui lui connaît la position de Wellington et celle de Blücher, ne voit visiblement aucune connexion non plus – en tout cas jusqu'à 13h00 le dimanche1. Difficile donc de reprocher au maréchal de ne pas deviner ce que l'Empereur ne devine pas non plus.


1Et en réalité probablement jusqu'à ce que les prussiens arrivent sur le champ de bataille. Bernard Coppens mentionne que lorsque Lobau informa Napoléon de l'attaque des prussiens, Napoléon refusa de le croire (Waterloo, les mensonges, page 381).
Allez m'expliquer comment Napoléon peut refuser de croire que les troupes qu'il aurait vues à 13h00 sont arrivées à 16h00… Et si Lobau avait été placé là pour arrêter les prussiens, il se serait contenté de signaler qu'il était au contact. Première conclusion : personne n'attendait les prussiens. Seconde conclusion : si personne n'attendait les prussiens l'ordre « de 13h00 » ne tient plus.
Notons que dans le bulletin du 20 juin, Napoléon prétendra même avoir eu connaissance du mouvement prussien dès 9h (Coppens, « Waterloo, les mensonges », page 188).

Designed for 1920x1080
Cette page est encodée en UTF-8. Si les lettres accentuées sont incorrectes voyez avec votre navigateur.
© Thierry de Coulon - 2021